La crypto est-elle réglementée en Russie ? Loi, restrictions et statut actuel en 2025
Mary Rhoton 26 décembre 2025 0

En Russie, posséder des crypto-monnaies est légal. Les utiliser pour payer un café, un billet de train ou une facture d’électricité ? Interdit. C’est ce paradoxe qui définit le cadre légal russe en 2025 : une autorisation stricte pour les riches et les institutions, et un vide juridique pour le reste de la population.

Les crypto-monnaies sont légales… sauf pour payer

Depuis juillet 2020, la Russie a légalisé la détention et le trading de crypto-monnaies. Mais dès janvier 2021, une interdiction claire est entrée en vigueur : aucun paiement domestique ne peut être effectué en Bitcoin, Ethereum ou toute autre devise numérique. Ce n’est pas une ambiguïté. C’est une règle ferme. Si vous voulez acheter un téléphone à Moscou, vous devez payer en roubles. Point final.

Pourtant, les Russes possèdent plus de 25 milliards de dollars en actifs numériques, selon les estimations. Où sont-ils achetés ? Sur des plateformes étrangères - Binance, Kraken, Bybit - parce qu’il n’existe pas d’échange centralisé légal sur le territoire russe. Les banques russes ne peuvent pas offrir de trading direct aux particuliers. Le marché est donc divisé : un pôle officiel, étroitement contrôlé, et un pôle souterrain, massif, où les gens achètent et vendent en toute discrétion.

L’expérience légale : un club fermé pour les très riches

En mars 2025, la Banque de Russie a lancé le Régime Juridique Expérimental (RJE). Ce n’est pas une réforme. C’est une cage dorée. Seuls les investisseurs « très qualifiés » peuvent y entrer. Qu’est-ce que cela signifie ?

  • Soit vous avez plus de 100 millions de roubles (environ 1,2 million de dollars) investis en titres ou en dépôts bancaires,
  • Soit vous gagnez plus de 50 millions de roubles par an (600 000 dollars).

Ce n’est pas une suggestion. C’est une barrière physique. Moins de 0,1 % de la population russe remplit ces critères. Pour eux, le RJE permet d’acheter des dérivés de crypto - comme des contrats à terme sur Bitcoin - via des institutions autorisées : Sberbank, la Bourse de Moscou, quelques brokers de luxe. En un mois, les Russes ont acheté 16 millions de dollars de contrats Bitcoin sous ce régime.

La Banque de Russie prévoit d’autoriser les fonds d’investissement à acheter ces dérivés en 2026. Mais pour le citoyen ordinaire ? Rien. Pas de compte crypto sur son application bancaire. Pas d’achat direct. Pas d’information claire. Juste un mur.

Le mining, le seul secteur soutenu par l’État

Alors que les particuliers sont bloqués, l’État encourage activement le mining. La Russie possède des réserves d’énergie colossales - surtout en Sibérie et dans l’Extrême-Orient - et elle les utilise pour miner du Bitcoin et d’autres crypto-monnaies.

Le gouvernement a créé un registre national des mineurs. Les entreprises doivent s’enregistrer, payer des impôts, et respecter des normes techniques. Mais surtout, elles sont encouragées. Vladimir Poutine a personnellement invité les régions à développer cette activité. Pourquoi ? Parce que le mining crée une infrastructure énergétique, des centrales, des câbles, des serveurs - qui peuvent ensuite être réutilisés pour l’intelligence artificielle. Boris Titov, conseiller du président, a déclaré : « Le mining a déjà créé une infrastructure à grande échelle, prête pour l’IA. »

En 2025, la Russie est l’un des 5 plus grands pays au monde pour la puissance de mining. Et cette activité est la seule où le gouvernement ne parle pas de risques. Il parle d’opportunité stratégique.

Une centrale de mining en Sibérie produit de l'énergie numérique sous les aurores, tandis qu'un citoyen essaie en vain d'acheter du Bitcoin.

Les paiements internationaux : une porte de sortie aux sanctions

Les sanctions occidentales ont forcé la Russie à trouver des alternatives. Les crypto-monnaies sont devenues un outil de survie économique.

Depuis l’été 2024, les entreprises russes peuvent légalement utiliser des crypto-monnaies pour régler leurs transactions internationales. Résultat ? En six mois en 2025, plus d’un billion de roubles (12 milliards de dollars) ont été transférés en crypto pour des importations et exportations. Ce n’est pas une petite somme. C’est un système parallèle, opérationnel, et légal - mais uniquement pour le commerce extérieur.

Boris Titov va plus loin : il parle d’un « système de paiement international alternatif », basé sur la combinaison de la Digital Ruble et des crypto-monnaies privées. Ce n’est pas de la rhétorique. C’est une stratégie. La Russie veut créer une zone économique indépendante des systèmes SWIFT, de la Fed, et du dollar.

La Digital Ruble : le vrai projet du gouvernement

La vraie priorité de la Banque de Russie n’est pas le Bitcoin. C’est la Digital Ruble, sa propre monnaie numérique. Lancée en août 2023, elle est déjà utilisée par 12 banques, avec plus de 2 500 portefeuilles actifs et 100 000 transactions effectuées.

Contrairement aux crypto-monnaies décentralisées, la Digital Ruble est contrôlée par l’État. Chaque transaction est traçable. Les autorités peuvent surveiller, bloquer, ou même limiter les paiements. C’est l’opposé du Bitcoin. Ce n’est pas une révolution. C’est une extension du contrôle.

Le gouvernement voit la Digital Ruble comme le pilier de son futur système financier. Elle pourrait être intégrée aux paiements internationaux en crypto, permettant à la Russie de contourner les sanctions tout en gardant une emprise totale sur les flux d’argent.

La Digital Ruble projette un réseau de surveillance, séparant les paiements internationaux autorisés des transactions clandestines des particuliers.

Les règles de surveillance : KYC, AML, et traque des transactions

La Russie ne laisse rien au hasard. Même dans l’ombre, le contrôle est partout.

  • Toutes les institutions financières doivent appliquer des procédures KYC (Know Your Customer) strictes.
  • Elles doivent signaler toute activité suspecte, surtout les transactions P2P entre particuliers.
  • Les banques russes sont interdites d’investir directement dans des crypto-monnaies.
  • Les infrastructures financières russes ne peuvent pas être utilisées pour la plupart des transactions crypto.
  • Les impôts et la banque centrale échangent des données pour suivre les mouvements d’actifs numériques.

C’est un système de surveillance de haut niveau, conçu pour empêcher le blanchiment d’argent tout en laissant les riches jouer dans leur cage. Pour le commun des mortels ? La loi ne les protège pas. Elle les ignore.

Le futur : une ouverture limitée ?

Le ministère des Finances veut assouplir les règles. Alexey Yakovlev, son directeur, a déclaré en septembre 2025 : « Nous pensons que les seuils peuvent être abaissés. C’est en discussion. »

La Banque de Russie, elle, résiste. Elle craint que les petits investisseurs ne perdent tout. Ce débat entre deux branches du gouvernement détermine l’avenir du marché.

Le Régime Juridique Expérimental expire en 2028. À ce moment-là, la Russie devra choisir : soit elle généralise le système actuel - un marché de luxe - soit elle ouvre le trading à la classe moyenne. Pour l’instant, les signes vont vers la première option. Les chiffres le montrent : la Russie est tombée à la 10e place mondiale en adoption crypto. L’État veut rattraper son retard… mais sans perdre le contrôle.

Conclusion : un système de deux poids, deux mesures

En Russie, la crypto n’est pas interdite. Elle est filtrée. Elle est réservée. Elle est utilisée comme un outil d’État, pas comme une liberté financière.

Les riches peuvent trader des dérivés. Les entreprises peuvent payer à l’étranger. Les mineurs construisent des usines. Mais pour le citoyen lambda ? Il doit acheter sur des plateformes étrangères, en risquant des blocages, des saisies, ou des poursuites. Le gouvernement ne veut pas qu’il perde de l’argent. Il veut qu’il ne puisse pas le perdre… parce qu’il ne doit pas y toucher.

La Russie n’a pas interdit la crypto. Elle l’a enfermée dans une boîte. Et elle garde la clé.

Est-ce légal de posséder des crypto-monnaies en Russie ?

Oui, posséder des crypto-monnaies est légal en Russie depuis 2020. Cependant, l’achat, la vente et l’échange ne sont autorisés que dans le cadre du Régime Juridique Expérimental, réservé aux investisseurs très qualifiés. Pour les particuliers ordinaires, les transactions se font sur des plateformes étrangères, ce qui n’est pas illégal, mais n’est pas protégé par la loi russe.

Peut-on payer avec Bitcoin en Russie ?

Non. Depuis janvier 2021, il est interdit d’utiliser les crypto-monnaies pour payer des biens ou services sur le territoire russe. Tous les paiements internes doivent se faire en roubles, qu’ils soient en espèces, par carte ou via la Digital Ruble.

Pourquoi la Russie autorise-t-elle le mining mais pas le trading ?

Le mining exploite les ressources énergétiques russes - une source de revenus et d’infrastructure. Il crée des emplois, des technologies et des installations qui peuvent être réutilisées pour l’intelligence artificielle. Le trading, en revanche, expose les particuliers à des risques financiers élevés. Le gouvernement préfère contrôler les flux d’argent plutôt que de les libérer.

Qu’est-ce que la Digital Ruble ?

La Digital Ruble est la monnaie numérique de la Banque de Russie. Contrairement au Bitcoin, elle est centralisée, traçable et contrôlée par l’État. Lancée en 2023, elle est destinée à remplacer progressivement les paiements en espèces et à servir de fondement à un système de paiement international indépendant des sanctions occidentales.

Les Russes peuvent-ils acheter du Bitcoin sur des plateformes comme Binance ?

Oui, beaucoup le font. Mais ce n’est pas légal au sens réglementaire. La Banque de Russie n’autorise pas ces plateformes à opérer sur son territoire. Les utilisateurs n’ont aucune protection légale en cas de perte, de piratage ou de gel de compte. C’est un marché gris, très répandu, mais risqué.

Quand les seuils d’accès au Régime Juridique Expérimental pourraient-ils baisser ?

Le ministère des Finances en discute depuis 2025, mais aucune décision n’est prise. La Banque de Russie s’oppose à tout assouplissement, craignant des pertes massives chez les petits investisseurs. Une baisse des seuils n’est pas impossible, mais elle dépend d’un compromis entre deux institutions rivales. Aucune modification n’est prévue avant 2027.

La Russie va-t-elle interdire complètement les crypto-monnaies ?

Non. Les signes indiquent le contraire. Le pays utilise les crypto-monnaies pour contourner les sanctions, développer le mining et construire un système financier alternatif. L’objectif n’est pas d’interdire, mais de contrôler. La Russie veut devenir un acteur majeur dans l’écosystème numérique mondial - mais à sa manière.