La vie privée dans les identités numériques basées sur les NFT
Mary Rhoton 24 septembre 2025 0

Les NFT promettent de réinventer notre identité numérique - mais à quel prix ?

Imaginez pouvoir prouver que vous êtes vous-même sans jamais révéler votre nom, votre adresse ou votre date de naissance. Pas de formulaire à remplir, pas de mot de passe à retenir, pas de base de données centrale à hacker. Juste un NFT dans votre portefeuille crypto qui vous authentifie partout - sur une plateforme de jeu, dans un espace virtuel, ou même pour accéder à un service bancaire. C’est l’idée derrière les identités numériques basées sur les NFT. Mais cette promesse cache un problème majeur : la vie privée.

Les NFT sont des jetons uniques enregistrés sur une blockchain publique. Chaque transaction, chaque transfert, chaque association avec un portefeuille est visible de tous. Si votre identité est stockée là-dedans, alors tout ce que vous faites en ligne peut être retraçé. Vos achats, vos connexions, vos interactions - tout est public. C’est le paradoxe : vous voulez contrôler votre identité, mais la technologie qui le permet vous expose en même temps.

Pourquoi les NFT ne sont pas faits pour être votre pièce d’identité

Les NFT sont excellents pour prouver que vous possédez un art numérique, une terre virtuelle ou une paire de baskets en ligne. Mais prouver qui vous êtes ? C’est une autre histoire. Selon l’analyse de walt.id, les NFT échouent sur quatre points clés pour l’identité : ils manquent de flexibilité, violent les réglementations, coûtent trop cher, et surtout, ils ne protègent pas la vie privée.

Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) européen donne à chaque personne le droit d’effacer ses données. Mais sur une blockchain, une fois qu’un NFT est créé, il est immuable. Vous ne pouvez pas le supprimer. Vous ne pouvez pas le modifier. Même si vous vendez votre NFT d’identité, l’historique reste là, accessible à n’importe qui avec un navigateur. C’est incompatible avec les lois modernes sur la protection des données. Un NFT ne peut pas être une identité légale s’il ne peut pas être effacé.

Les Secret NFT : une solution technique pour protéger votre identité

Il existe une exception : les Secret NFT. Contrairement aux NFT standards (comme les ERC-721), les Secret NFT utilisent des réseaux comme Secret Network, qui intègrent une cryptographie avancée pour cacher les métadonnées. Votre NFT d’identité peut contenir des informations sensibles - un numéro de sécurité sociale, un diplôme, une licence professionnelle - mais ces données restent invisibles sur la blockchain.

Comment ça marche ? Votre portefeuille garde la clé privée. Seul vous pouvez déchiffrer les données. Les autres voient seulement qu’un NFT existe, mais pas ce qu’il contient. C’est comme avoir un coffre-fort numérique : tout le monde sait que vous en avez un, mais personne ne peut ouvrir la porte sans votre clé. Cela permet des usages réels : vérifier votre âge pour accéder à un site sans révéler votre date de naissance, prouver votre diplôme sans montrer votre nom complet, ou même accéder à un service bancaire sans exposer votre identité complète.

Un personnage ouvre un coffre-fort numérique Secret NFT qui bloque toutes les tentatives d'espionnage.

Les jetons Soulbound : l’identité qui ne se vend pas

Un autre modèle émerge : les Soulbound Tokens (SBT). Ce sont des NFT non transférables. Une fois qu’ils vous sont attribués, ils restent dans votre portefeuille pour toujours. Un diplôme, une certification professionnelle, un historique de bénévolat - tout peut être enregistré comme un SBT. Cela crée une sorte de CV blockchain, vérifiable et immuable.

Le problème ? N’importe qui peut vous attribuer un SBT. Un employeur peut vous en donner un, mais aussi un ami, un voisin, ou un hacker. Sans mécanisme de consentement, vous pourriez vous retrouver avec des SBT que vous n’avez jamais demandés - un vrai risque de spam d’identité. Les systèmes avancés commencent à intégrer des signatures numériques pour valider l’origine des SBT, mais ce n’est pas encore standardisé. La clé ? Le contrôle. Vous devez pouvoir accepter ou refuser chaque SBT avant qu’il ne soit enregistré.

Les NFT contre les systèmes traditionnels : qui protège mieux votre vie privée ?

Les systèmes d’identité classiques - comme ceux utilisés par les banques, les gouvernements ou les réseaux sociaux - reposent sur des bases de données centrales. Si une seule de ces bases est piratée, des millions de personnes sont exposées. En 2023, une fuite chez un fournisseur d’identité numérique a révélé les données de 15 millions d’utilisateurs. C’est le risque du tout centralisé.

Les NFT, eux, éliminent ce point de défaillance unique. Vos données ne sont pas stockées dans un serveur, mais dans votre portefeuille. Vous décidez qui y a accès. Mais ils créent un nouveau risque : la traçabilité. Si vous utilisez un NFT d’identité sur plusieurs plateformes, des analystes peuvent relier vos activités, même sans connaître votre vrai nom. Votre portefeuille devient une empreinte numérique permanente. C’est la différence entre un passeport volé (centralisé) et un numéro de téléphone public (décentralisé mais traçable).

Un hub d'identité compare trois systèmes : centralisé, public et hybride à preuve à connaissance nulle.

Les défis techniques et réglementaires qui freinent l’adoption

Techniquement, les NFT d’identité sont encore lents et chers à utiliser. Chaque vérification demande une transaction sur la blockchain, ce qui peut prendre plusieurs secondes et coûter plusieurs dollars. Pour une simple connexion à un site, ce n’est pas pratique. Les solutions comme les réseaux secondaires (Layer 2) ou les vérifications hors chaîne (off-chain) commencent à résoudre ce problème, mais elles ajoutent de la complexité.

Sur le plan juridique, c’est encore pire. L’Union européenne a des lois strictes sur la protection des données. Les États-Unis ont des lois fragmentées. La Chine interdit les NFT. Comment un système global peut-il respecter toutes ces règles ? Aucun cadre légal n’est encore conçu pour les identités décentralisées. Les entreprises hésitent à investir tant que la régulation n’est pas claire.

Le futur : des identités hybrides, privées et contrôlées

La voie la plus réaliste n’est pas un NFT pur, mais un système hybride. Le vérificateur vérifie une preuve cryptographique sur la blockchain - sans voir vos données réelles. C’est ce que permettent les preuves à connaissance nulle (zero-knowledge proofs). Vous prouvez que vous avez plus de 18 ans sans révéler votre date de naissance. Vous prouvez que vous êtes un diplômé sans montrer votre nom. Le système sait que c’est vrai, mais ne sait pas qui vous êtes.

Ce modèle existe déjà dans des projets comme Polygon ID et Microsoft ION. Ils combinent la transparence de la blockchain pour la vérification, et la confidentialité des systèmes hors chaîne pour les données sensibles. C’est la meilleure des deux mondes : la sécurité de la blockchain, la vie privée du Web2. Le futur ne sera pas un NFT qui contient votre identité. Ce sera un NFT qui prouve que vous avez le droit de l’utiliser - sans jamais la montrer.

Que faire aujourd’hui ?

Si vous utilisez déjà des NFT pour votre identité, vérifiez : les métadonnées sont-elles publiques ? Votre portefeuille est-il lié à votre vrai nom ? Si oui, vous êtes exposé. Commencez à utiliser des portefeuilles séparés pour l’identité et les actifs. Évitez de relier votre NFT d’identité à vos transactions de trading. Et privilégiez les projets qui utilisent des Secret NFT ou des preuves à connaissance nulle - ils sont les seuls à offrir une réelle protection.

Le contrôle de votre identité numérique n’est plus une question de technologie. C’est une question de choix. Et pour le moment, le choix le plus sûr, c’est de ne pas utiliser de NFT pour votre identité - sauf si vous savez exactement ce que vous partagez, et avec qui.

Pourquoi les NFT ne peuvent-ils pas être utilisés comme pièce d’identité légale ?

Les NFT sont enregistrés sur des blockchains publiques, ce qui rend toutes les données associées visibles et immuables. Or, les lois comme le RGPD exigent que les citoyens puissent effacer ou modifier leurs données personnelles. Un NFT ne peut pas être supprimé, ce qui le rend incompatible avec les exigences légales de protection des données. De plus, il n’existe pas encore de cadre juridique reconnu pour valider un NFT comme identité officielle.

Qu’est-ce qu’un Secret NFT et comment protège-t-il la vie privée ?

Un Secret NFT est un jeton créé sur un réseau comme Secret Network, qui chiffre les métadonnées du NFT. Seul le propriétaire, avec sa clé privée, peut déchiffrer et voir le contenu. Les autres voient seulement que le NFT existe, mais pas ce qu’il contient. Cela permet de stocker des informations sensibles - comme un diplôme ou un numéro de sécurité sociale - sans les exposer sur la blockchain, tout en conservant la vérification cryptographique de propriété.

Les Soulbound Tokens (SBT) sont-ils plus sûrs pour l’identité que les NFT classiques ?

Les SBT sont plus sûrs car ils ne peuvent pas être vendus ou transférés, ce qui les rend idéaux pour représenter des identités ou des qualifications permanentes. Mais ils ne protègent pas la vie privée par eux-mêmes. Leur contenu peut être public, et n’importe qui peut vous en attribuer un. Pour être sûrs, ils doivent être associés à des mécanismes de consentement et de vérification de l’émetteur - ce qui n’est pas encore standardisé.

Les preuves à connaissance nulle (ZKP) peuvent-elles résoudre le problème de la vie privée dans les NFT ?

Oui, c’est l’une des solutions les plus prometteuses. Les ZKP permettent de prouver une information sans la révéler. Par exemple, vous pouvez prouver que vous avez un diplôme sans montrer votre nom, votre école ou la date d’obtention. Cela combine la vérification décentralisée de la blockchain avec la confidentialité du Web2. Des projets comme Polygon ID et zkSync utilisent déjà cette technologie pour les identités numériques.

Dois-je éviter complètement les NFT pour mon identité numérique ?

Si vous n’êtes pas sûr de ce que vous partagez, oui. Pour le moment, la plupart des NFT d’identité sont trop exposés. Si vous voulez les utiliser, choisissez uniquement des systèmes qui utilisent des Secret NFT, des ZKP, ou des vérifications hors chaîne. Évitez les NFT qui stockent des données personnelles en clair. Et ne liez jamais votre identité numérique à votre portefeuille principal de trading - utilisez un portefeuille dédié et isolé.