Régulations des stablecoins : Comparaison entre MiCA et le cadre fédéral américain
Mary Rhoton 26 septembre 2025 3

En 2025, les stablecoins sont au cœur d’une bataille réglementaire entre deux mondes : l’Europe, avec son cadre MiCA, et les États-Unis, avec un nouveau cadre fédéral encore en cours d’adoption. Ces deux approches ne sont pas seulement différentes - elles sont opposées. L’une vise à protéger la stabilité financière, l’autre à renforcer la domination du dollar. Et les conséquences pour les utilisateurs, les entreprises et les marchés sont déjà visibles.

Qu’est-ce que MiCA ?

MiCA, ou Markets in Crypto-Assets Regulation, est la première loi complète au monde sur les actifs cryptographiques. Adoptée par l’Union européenne en 2023, elle est entrée en vigueur en juin 2024 pour les stablecoins. Son objectif ? Éliminer le chaos réglementaire entre les 27 pays membres. Avant MiCA, une entreprise pouvait émettre un stablecoin en Lituanie et le vendre en France sans aucune règle commune. MiCA a mis fin à ça.

MiCA divise les stablecoins en deux catégories : les e-money tokens (EMTs) et les asset-referenced tokens (ARTs). Les EMTs, comme l’EURC, sont garantis 100 % par une seule monnaie officielle - généralement l’euro. Leur émetteur doit être une banque ou une institution de monnaie électronique agréée, avec un capital minimum de 350 000 euros. Ils doivent permettre un remboursement immédiat au pair, comme une carte de débit.

Les ARTs, comme USDC ou USDT, sont des stablecoins liés à un panier d’actifs, souvent le dollar américain. Pour être autorisés dans l’UE, ils doivent être émis par une entité basée en Europe, détenir des réserves liquides à 100 %, et publier un document technique approuvé. MiCA interdit catégoriquement les stablecoins algorithmiques - ceux qui n’ont pas de réserves physiques, comme l’ancien TerraUSD. C’est une décision radicale. Des projets comme Frax, qui avaient 2,1 milliards de dollars en circulation, ont été éliminés du marché européen.

Le cadre américain : pas de nom officiel, mais un objectif clair

Le titre de votre recherche mentionne le « GENIUS Act », mais ce nom n’existe pas dans les textes légaux. Ce que vous cherchez, c’est le cadre fédéral américain en cours de finalisation, issu de plusieurs projets de loi comme la Stablecoin Transparency Act et la Clarity for Payment Stablecoins Act. Ce cadre n’a pas encore été voté, mais il est déjà en train de transformer le marché.

La règle la plus importante ? Les stablecoins doivent être garantis à au moins 80 % par des US Treasuries - des obligations d’État américaines. Le reste peut être en réserves de la Réserve fédérale. C’est une stratégie délibérée : chaque dollar de stablecoin émis en Amérique va directement acheter une dette du gouvernement américain. Cela augmente la demande pour les Treasuries, ce qui réduit les taux d’intérêt et renforce la position du dollar sur la scène mondiale.

Contrairement à MiCA, les États-Unis n’interdisent pas les stablecoins algorithmiques. Ils les autorisent, à condition qu’ils respectent les exigences de réserves. Cela permet à des projets innovants de continuer à exister - mais avec un risque accru. En 2023, des stablecoins non garantis ont perdu leur parité pendant une crise bancaire, affectant 12,7 milliards de dollars. Le cadre américain accepte ce risque pour garder la porte ouverte à l’innovation.

Comparaison directe : MiCA vs. cadre américain

Comparaison des régulations des stablecoins : MiCA et cadre américain
Critère MiCA (UE) Cadre américain
Objectif principal Protéger la stabilité financière et la souveraineté monétaire Renforcer la domination du dollar via la demande de Treasuries
Reserves obligatoires 100 % en actifs liquides (cash, obligations, etc.) 80 % minimum en US Treasuries ou réserves de la Fed
Stablecoins algorithmiques Interdits Autorisés, sous conditions
Émetteurs Doivent être basés dans l’UE pour les ARTs Peuvent être basés aux États-Unis, pas de restriction géographique
Exigences de capital 350 000 € minimum pour les EMTs Aucun capital minimum fixé - mais exigences d’infrastructure coûteuses
Redemption garantie Immédiate et obligatoire Non obligatoire - dépend de la confiance du marché
Évaluation des risques systémiques Seuil de 1 million d’utilisateurs ou 1 % de la population de l’UE Aucun seuil formel défini

Les différences ne sont pas seulement techniques - elles sont philosophiques. L’Europe dit : « On ne joue pas avec la monnaie. » Les États-Unis disent : « On utilise la monnaie pour gagner en puissance. »

Deux géants réglementaires s'affrontent : un juge européen et un patron américain, entourés de stablecoins et de symboles financiers.

Impact réel sur les marchés

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre juin 2024 et juin 2025, le marché des stablecoins dans l’UE a chuté de 37 %, passant de 58,3 à 36,7 milliards de dollars. Pourquoi ? Parce que 80 % des stablecoins en circulation n’étaient pas conformes à MiCA. USDC et EURC sont devenus les seuls acteurs légaux. Ensemble, ils représentent 89,7 % du marché européen compliant.

En parallèle, aux États-Unis, le marché a augmenté de 32,7 %, passant de 145,2 à 192,7 milliards de dollars. USDT reste leader avec 58,4 % de part de marché - malgré l’absence de cadre fédéral. Pourquoi ? Parce que les utilisateurs veulent des options. Et les entreprises comme Circle ont déjà investi 350 millions de dollars pour se connecter à la Réserve fédérale et se préparer à la future loi.

Les réserves sont l’indicateur le plus révélateur. En 2023, les six plus grands stablecoins américains détenaient 28,6 milliards de dollars en Treasuries. En mai 2025, ils en détenaient 187,4 milliards. C’est une croissance de 555 % en deux ans. Chaque dollar de stablecoin émis aux États-Unis devient une obligation du Trésor américain. C’est un transfert massif de liquidités vers la dette fédérale.

Qui gagne ? Qui perd ?

Les utilisateurs européens ont perdu des options. Les stablecoins algorithmiques qui offraient des rendements de 4,5 à 6,2 % ont disparu. Les plateformes comme Curve Finance ont dû supprimer ces produits. Sur Reddit, 72 % des utilisateurs se plaignent de cette perte. Mais 68 % disent avoir plus confiance dans les remboursements. Pendant la crise de mars 2023, les stablecoins MiCA-compliants ont maintenu leur parité à 99,98 %. Les non-compliants, eux, ont chuté.

En Amérique, les utilisateurs ont plus de choix, mais plus de risques. Une enquête de CoinDesk montre que 61 % préfèrent le modèle américain - mais 54 % craignent que le marché des Treasuries ne devienne trop dépendant des stablecoins. Si les taux d’intérêt montent brusquement, les fonds des stablecoins pourraient être vendus en masse, créant une crise de liquidité.

Les entreprises ont aussi des calculs à faire. Pour se conformer à MiCA, un émetteur doit investir en moyenne 2,7 millions d’euros et prendre entre 8 et 12 mois. Paxos a créé une filiale à Dublin pour émettre USDC en Europe - un coût de 4,3 millions d’euros. Aux États-Unis, les coûts sont moins élevés en capital, mais plus élevés en infrastructure : les émetteurs doivent se connecter aux systèmes de la Réserve fédérale, ce qui coûte 1,9 million de dollars en moyenne.

Une personne face à un choix entre l'Europe et les États-Unis pour les paiements transfrontaliers, entourée de stablecoins et de symboles de risque.

Et maintenant ?

MiCA est en place. Le cadre américain est en attente. Mais les deux modèles sont en train de forcer un changement mondial. Les grandes entreprises comme Circle et Binance doivent désormais gérer deux systèmes différents. Les petits émetteurs n’ont pas les ressources pour se conformer aux deux. Ils disparaissent.

Le 30 septembre 2025, l’Autorité bancaire européenne publiera la première liste des stablecoins « significatifs » - ceux qui dépassent 1 million d’utilisateurs ou 1 % de la population de l’UE. Ils devront alors détenir 120 % de réserves. C’est une mesure de sécurité extrême. Aux États-Unis, le Sénat vient d’approuver un projet de loi obligeant les émetteurs à obtenir une charte fédérale - un pas vers une régulation plus stricte, mais toujours centrée sur les Treasuries.

Le plus grand défi ? Les deux systèmes ne communiquent pas. L’UE dit que les stablecoins américains ne sont pas reconnus. Les États-Unis disent le contraire. Les utilisateurs internationaux sont pris au milieu. Une entreprise basée au Canada qui veut utiliser USDC en Europe doit maintenant choisir : soit elle se conforme à MiCA, soit elle perd son marché européen.

La vérité ? Aucun modèle n’est parfait. MiCA est sûr, mais rigide. Le modèle américain est flexible, mais dangereux. Ceux qui veulent de la sécurité vont vers l’Europe. Ceux qui veulent de la croissance et des rendements vont vers les États-Unis. Et les utilisateurs ? Ils paient la facture - avec moins d’options, plus de complexité, et un avenir incertain.

Prochaines étapes pour les utilisateurs

  • Si vous êtes en Europe : vérifiez que votre stablecoin est sur la liste des actifs MiCA-compliants (USDC, EURC). Évitez tout autre stablecoin.
  • Si vous êtes aux États-Unis : surveillez les réserves de votre stablecoin. Si plus de 80 % ne sont pas en Treasuries, il y a un risque.
  • Si vous faites des transactions transfrontalières : utilisez uniquement les stablecoins qui sont légalement acceptés dans les deux régions - pour l’instant, c’est presque impossible.
  • Si vous êtes un émetteur : commencez à vous conformer à MiCA si vous voulez toucher l’UE. Si vous visez les États-Unis, préparez-vous à intégrer les systèmes de la Réserve fédérale.

Qu’est-ce que MiCA exactement ?

MiCA est la régulation européenne sur les actifs cryptographiques, entrée en vigueur en juin 2024 pour les stablecoins. Elle exige que les émetteurs soient autorisés, que les réserves soient à 100 %, et qu’ils soient basés en Europe pour les stablecoins liés à plusieurs actifs. Elle interdit les stablecoins algorithmiques et impose des normes de transparence et de sécurité.

Le « GENIUS Act » existe-t-il vraiment ?

Non, le « GENIUS Act » n’est pas un texte officiel. C’est une erreur courante. Le cadre américain en question est un ensemble de projets de loi, notamment la Stablecoin Transparency Act et la Clarity for Payment Stablecoins Act. Leur objectif commun est de rendre les stablecoins garantis à 80 % par des obligations du Trésor américain.

Pourquoi les États-Unis veulent-ils que les stablecoins soient financés par des Treasuries ?

Parce que chaque dollar de stablecoin émis aux États-Unis achète une dette du gouvernement américain. Cela augmente la demande pour les Treasuries, ce qui abaisse les taux d’intérêt et renforce la position du dollar sur le marché mondial. C’est une stratégie pour maintenir la domination financière américaine.

Quels sont les meilleurs stablecoins en 2025 ?

En Europe, seuls USDC et EURC sont légalement autorisés. Aux États-Unis, USDT et USDC dominent, mais les nouveaux émetteurs qui se conforment au cadre fédéral commencent à émerger. La sécurité est plus élevée en Europe, mais les options sont plus nombreuses aux États-Unis.

Les stablecoins algorithmiques sont-ils morts ?

En Europe, oui. MiCA les interdit complètement. Aux États-Unis, non - tant qu’ils respectent les exigences de réserves, ils peuvent continuer. Mais ils sont sous surveillance accrue. Leur popularité a chuté depuis 2023 après la chute de TerraUSD.

3 Commentaires

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    Aude Martinez

    octobre 31, 2025 AT 15:56

    Les stablecoins c’est un peu comme les cartes cadeaux qui disent ‘valable dans tout le pays’ mais en fait t’as pas le droit de les utiliser dans ton supermarché préféré

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    Marc Noatel

    novembre 1, 2025 AT 20:17

    Le truc fou avec MiCA, c’est qu’ils ont réussi à tuer l’innovation par la sécurité. Tu veux un rendement de 6 % ? Bah t’as qu’à aller te plaindre aux États-Unis. En Europe, on a la parité à 99,98 %... et un compte épargne à 0,1 %. C’est pas une régulation, c’est une retraite anticipée pour les crypto-nomades.

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    Stephane Castellani

    novembre 3, 2025 AT 19:30

    USDC est le seul stablecoin qui compte en Europe maintenant

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